Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/40

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mépris.

Les deux interlocuteurs attachèrent l’un sur l’autre un regard pénétrant. Il y eut une minute de silence.

— Cela commencera dans les premiers jours de mai, et pour la fête de l’Intercession[20] tout sera fini, déclara brusquement Pierre Stépanovitch.

— Je vous remercie sincèrement, dit d’un ton pénétré Karmazinoff en serrant les mains du visiteur.

— « Tu auras le temps de quitter le navire, rat ! » pensa Pierre Stépanovitch quand il fut dans la rue. « Allons, si cet « homme d’État » est si soucieux de connaître le jour et l’heure, si le renseignement que je lui ai donné lui a fait autant de plaisir, nous ne pouvons plus, après cela, douter de nous. (Il sourit.) Hum. Au fait, il compte parmi leurs hommes intelligents, et… il ne songe qu’à déguerpir ; ce n’est pas lui qui nous dénoncera ! »

Il courut à la maison de Philippoff, rue de l’Épiphanie.

VI

Pierre Stépanovitch passa d’abord chez Kiriloff. Celui-ci, seul comme de coutume, faisait cette fois de la gymnastique au milieu de la chambre, c’est-à-dire qu’il écartait les jambes et tournait les bras au-dessus de lui d’une façon particulière. La balle était par terre. Le déjeuner n’avait pas encore été desservi, et il restait du thé froid sur la table. Avant d’entrer, Pierre Stépanovitch s’arrêta un instant sur le seuil.

— Tout de même vous vous occupez beaucoup de votre santé, dit-il d’une voix sonore et gaie en pénétrant dans la chambre ; — quelle belle balle ! oh ! comme elle rebondit ! c’est aussi pour faire de la gymnastique ?