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Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/150

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— Vois-tu, frère, on m’a renvoyé de mon pays, commnença-t-il en plantant son aiguille, pour vagabondage.

— Et y a-t-il longtemps de cela ? demanda Kobyline.

— Quand les pois seront mûrs, il y aura un an. Eh bien, nous arrivons à K—v, et l’on me met dans la maison de force. Autour de moi il y avait une douzaine d’hommes, tous Petits-Russiens, bien bâtis, solides et robustes, de vrais bœufs. Et tranquilles ! la nourriture était mauvaise, le major de la prison en faisait ce qu’il voulait. Un jour se passe, un autre encore : tous ces gaillards sont des poltrons, à ce que je vois.

— Vous avez peur d’un pareil imbécile ? que je leur dis.

— Va-t’en lui parler, vas-y ! Et ils éclatent de rire comme des brutes. Je me tais. Il y avait là un Toupet drôle, mais drôle, — ajouta le narrateur en quittant Kobyline pour s’adresser à tout le monde. Il racontait comment on l’avait jugé au tribunal, ce qu’il leur avait dit, en pleurant à chaudes larmes : « J’ai des enfants, une femme », qu’il disait. C’était un gros gaillard épais et tout grisonnant : « Moi, que je lui dis, non ! Et il y avait là un chien qui ne faisait rien qu’écrire, et écrire tout ce que je disais ! Alors, que je me dis, que tu crèves……………Et le voilà qui écrit, qui écrit encore. C’est là que ma pauvre tête a été perdue ! »

— Donne-moi du fil, Vacia ; celui de la maison est pourri.

— En voilà qui vient du bazar, répondit Vacia en donnant le fil demandé.

— Celui de l’atelier est meilleur. On a envoyé le Névalide en chercher il n’y a pas longtemps, mais je ne sais pas chez quelle poison de femme il l’a acheté, il ne vaut rien ! fit Louka en enfilant son aiguille à la lumière.

— Chez sa commère, parbleu !