mêmes ne sont pas à toi, tu les as empruntés comme tu empruntes tout. Canaille, va ! Stepka ! en un mot, tu es une canaille !
— Qu’as-tu à pleurnicher ? regarde, tu répands ton eau-de-vie ! Puisqu’on te régale, bois ! crie le cabaretier à l’ami expansif — je n’ai pas le temps d’attendre jusqu’à demain.
— Je boirai, n’aie pas peur, qu’as-tu à crier ? Mes meilleurs souhaits à l’occasion de la fête, Stépane Doroféitch ! dit celui-ci poliment en s’inclinant, sa tasse à la main, du côté de Stepka, qu’une minute auparavant il avait traité de canaille. « Porte-toi bien et vis cent ans, sans compter ce que tu as déjà vécu ! » Il boit, grogne un soupir de satisfaction et s’essuie. — En ai-je bu auparavant, de l’eau-de-vie ! dit-il avec un sérieux plein de gravité, en parlant à tout le monde sans s’adresser à personne en particulier — mais voilà, mon temps finit. Remercie-moi, Stépane Doroféitch !
— Il n’y a pas de quoi.
— Ah ! tu ne veux pas me remercier, alors je raconterai à tout le monde ce que tu m’as fait ; outre que tu es une grande canaille, je te dirai…
— Eh bien, voilà ce que je te dirai, vilain museau d’ivrogne ? interrompt Stepka qui perd enfin patience. Écoute et fais bien attention, partageons le monde en deux, prends-en une moitié et moi l’autre, et laisse-moi tranquille.
— Ainsi tu ne me rendras pas mon argent.
— Quel argent veux-tu encore, soûlard ?
— Quand tu… me le rendras dans l’autre monde, eh bien, je ne le prendrai pas. Notre argent, c’est la sueur de notre front, c’est le calus que nous avons aux mains. Tu t’en repentiras dans l’autre monde, tu rôtiras pour ces cinq kopeks.
— Va-t’en au diable !
— Qu’as-tu à me talonner ? Je ne suis pas un cheval.
— File ! allons, file !