La liste fit son effet.
— Nous sommes satisfaits ! cria un des mécontents, d’une voix sourde, irrésolue.
— Ah ! satisfaits ! Qui est satisfait ? Que ceux qui sont satisfaits sortent du rang !
— Nous ! nous ! firent quelques autres voix.
— Vous êtes satisfaits de la nourriture ? on vous a donc excités ? il y a eu des meneurs, des mutins ? Tant pis pour eux…
— Seigneur ! qu’est-ce que ça signifie ? fit une voix dans la foule.
— Qui a crié cela ? qui a crié ? rugit le major en se jetant du côté d’où venait la voix. — C’est toi qui as crié, Rastorgouïef ? Au corps de garde !
Rastorgouïef, un jeune gars joufflu et de haute taille, sortit des rangs et se rendit lentement au corps de garde. Ce n’était pas lui qui avait crié ; mais comme on l’avait désigné, il n’essayait pas de contredire.
— C’est votre graisse qui vous rend enragés ! hurla le major.
— Attends, gros museau, dans trois jours, tu ne… ! Attendez, je vous rattraperai tous. Que ceux qui ne se plaignent pas, sortent !
— Nous ne nous plaignons pas, Votre Haute Noblesse ! dirent quelques forçats d’un air sombre ; les autres se taisaient obstinément. Mais le major n’en désirait pas plus : il trouvait son profit à finir cette affaire au plus vite et d’un commun accord.
— Ah ! maintenant, personne ne se plaint plus ! fit-il en bredouillant. Je l’ai vu… je le savais. Ce sont les meneurs… Il y a, parbleu, des meneurs ! continua-t-il en s’adressant à Diatlof ; — il faut les trouver tous. Et maintenant… maintenant il est temps d’aller aux travaux. Tambour, un roulement !
Il assista en personne à la formation des détachements.