Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/41

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inhibé de pessimisme. Cependant, il me fallait régler la question des appointements avant que des gens vinssent s’interposer. Mais entrer en matière était difficile, et je lanternais misérablement, non sans m’irriter de ma sottise. Une fadaise du prince achevant de m’agacer, je promulguai mon opinion sur les femmes, d’un coup et avec un entrain brutal. Fausse manœuvre, qui, loin de déblayer la scène au bénéfice de la question qui me préoccupait, y ins­talla une polémique oiseuse.

III

— ... Pourquoi je n’aime pas les femmes? — parce qu’elles sont grossières, qu’elles sont maladroites, qu’elles sont serviles, et qu’elles portent un costume inconvenant !

Telle fut la conclusion de ma tirade.

— Mon cher, assez ! exclama-t-il d’un ton jovial qui accrut mon irritation.

— Je ne parle pas du tout pour vous amuser ; j’ex­prime ma conviction, sans plus.

— Comment ! comment ! Les femmes sont grossiè­res, les femmes s’habillent de façon inconvenante... Voilà qui est nouveau !

— Oui, grossières. Allez au théâtre ou à la prome­nade. Chaque homme sait où est sa droite. On se rencontre, on se croise, on s’éloigne, chacun incli­nant sur sa droite. Une femme, je veux dire une dame, — je parle des dames, — une femme, elle, marchera sur vous tout droit, sans même vous re­-