Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/161

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gnerai pas, par méchanceté : cela vous semble inexplicable ? C’est très-simple ; non que je puisse dire à qui nuira cette méchanceté ; hélas ! pas même aux médecins ! Je sais mieux que personne que je serai moi-même ma seule victime ; et c’est pourtant et tout de même par méchanceté que je ne me soigne pas. Si c’est du foie que je souffre, eh bien ! puissé-je en souffrir encore davantage !

Et il y a longtemps que je vis ainsi, une vingtaine d’années. J’ai quarante ans. J’ai été fonctionnaire. J’étais un méchant fonctionnaire, grossier, et qui prenais plaisir à l’être. Voyons : je n’acceptais pas de pots-de-vin : il me fallait bien trouver ailleurs mes petits bénéfices ! (Pas fameux, mon trait, pourtant je ne le bifferai pas. En l’écrivant je le croyais très-fin, et maintenant je vois bien qu’il est pitoyable, et c’est pour cela que je ne le bifferai pas.)

Quand un solliciteur entrait dans mon bureau et me demandait quelque renseignement, je me tournais vers lui en grinçant des dents, et c’était pour moi un triomphe si je réussissais à lui causer une visible gêne : et j’y réussissais presque toujours. La plupart de ces gens-là sont timides ; cela