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Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/91

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je vois sa main bandée de linge, je comprends qu’il a rencontré un ennemi sur sa route, et quelle est sa maladie. Je devine aussi quel est cet ennemi ; je m’explique tout. Il ne parle pas à ma mère, ne me demande pas, appelle tous les ouvriers, ordonne d’arrêter le travail dans la fabrique et de s’apprêter à défendre la maison… Mauvais signes, tout cela… Et nous attendons, et la nuit commence, – encore une nuit d’orage. J’ouvre ma fenêtre, je pleure, et mon cœur me brûle. Je voudrais m’échapper de ma chambre, m’en aller loin, loin, au bout du monde, là où naissent l’éclair et l’orage… et ma poitrine de jeune fille s’agite violemment. Tout à coup, déjà tard, – étais-je assoupie, au plutôt mes pensées s’étaient-elles égarées ? – j’entends frapper à la vitre.

— Ouvre !

Je vois un homme escalader ma fenêtre au moyen d’une corde, et je reconnais aussitôt cet hôte inattendu. J’ouvre, et je le laisse entrer dans ma chambre. Sans ôter son bonnet, il s’assied sur le banc, haletant, presque sans respiration, comme un homme poursuivi, et qui a couru longtemps. Je m’écarte, et sans savoir pourquoi je me sens pâlir.