Page:Dostoievski - La femme d'un autre.djvu/151

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eu peur, le petit ! » Et surtout ce doigt épais, terreux, dont il avait avec une timide tendresse et si doucement touché mes lèvres tremblantes ! Certes, tout le monde est disposé à rassurer un enfant. Mais là, dans cette rencontre isolée, il était arrivé quelque chose de bien différent. J’aurais été son propre fils, qu’il n’aurait pu me regarder d’un air meilleur et plus affectueux. Et qui l’y obligeait ? Il était notre serf, et moi, — tout de même ! — j’étais son petit maître. Personne ne pouvait savoir combien il avait été bon pour moi ! Il n’y avait pas là de quoi le récompenser ! Peut-être aimait-il les petits enfants : c’est possible. En tout cas, la rencontre était isolée, dans un champ vide, et Dieu seul a pu voir d’en haut de quel profond sentiment de tendresse humaine, de quelle fine et presque féminine