Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/214

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du tabac. Eh bien, comment donc me comportais-je, en ce cas ? Sans remords de conscience, comme un brigand, je vous dévalisais, vous une orpheline ! Alors j’ai été démoralisé, matotchka, c’est-à-dire que, d’abord, sentant malgré moi que je n’étais bon à rien et que je ne valais guère mieux que ma semelle, j’ai cru déplacé de m’attribuer la moindre valeur et j’ai commencé, au contraire, à me prendre pour quelque chose d’inconvenant et, jusqu’à un certain point, d’indécent. Eh bien, du moment que j’avais perdu l’estime de moi-même, que je ne me reconnaissais plus aucune bonne qualité, aucun mérite, je devais succomber, la chute était inévitable ! La destinée l’a voulu ainsi, et ce n’est pas ma faute. D’abord je suis sorti pour prendre un peu l’air. Il y a eu alors un concours de circonstances : la nature était si lugubre, il faisait froid, il pleuvait ; et puis Emilian s’est trouvé sur mon chemin. Il a engagé tout ce qu’il possédait, Varinka, toutes ses affaires sont allées au clou, et quand je l’ai rencontré, il n’avait pas mangé depuis deux jours, si bien qu’il voulait mettre en gage quelque chose qu’il est impossible d’engager parce qu’on ne prête pas là-dessus. Eh bien,