Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/229

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certain sens, à un point de vue élevé, je lui ressemble, car, comme lui, je travaille de mon mieux, je fais ce que je peux. Ce n’est pas beaucoup, mais à l’impossible nul n’est tenu. Si je me suis mis à parler de ce musicien ambulant, matotchka, c’est qu’aujourd’hui j’ai eu l’occasion d’éprouver doublement ma pauvreté. Je me suis arrêté devant le joueur d’orgue. Des pensées m’étaient venues dont je voulais me distraire. À côté de moi il y avait des cochers, une jeune fille, et une fillette toute sale. Le joueur d’orgue s’était installé devant les fenêtres d’une maison. Je remarque un jeune garçon qui pouvait avoir dix ans ; il aurait été joli sans l’expression souffrante et maladive de son visage ; il n’avait sur lui qu’une mauvaise chemise et je ne sais quel autre vêtement, je crois qu’il était nu-pieds ; il écoutait, bouche béante, captivé par la musique comme on l’est à son âge. Pendant qu’il regardait danser les marionnettes de l’Allemand, lui-même avait les bras et les jambes engourdis, il tremblait, et rongeait le bout de sa manche. Je m’aperçois qu’il tient à la main un petit morceau de papier. Passa un monsieur, qui jeta une pièce de menue monnaie au joueur d’orgue ; la pièce