Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/57

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tout à fait. Combien fut triste mon réveil après la première nuit passée dans notre nouvelle demeure ! Nos fenêtres donnaient sur un mur badigeonné en jaune. Dans la rue il y avait toujours de la boue. Les passants étaient rares, et tous étaient si soigneusement emmitouflés, tous avaient si froid…

Chez nous, les journées entières s’écoulaient dans une angoisse et un ennui terribles. En fait de parents et d’amis, nous ne voyions, pour ainsi dire, personne. Mon père était brouillé avec Anna Fédorovna (il lui devait quelque chose). Des gens venaient assez souvent chez nous pour affaires. D’ordinaire ils disputaient, criaient, tapageaient. Après chaque visite, mon père se montrait de fort mauvaise humeur ; les sourcils froncés, il se promenait d’un coin à l’autre durant de longues heures sans proférer un mot. En pareil cas, ma mère n’osait pas lui adresser la parole et gardait le silence. Je m’asseyais quelque part dans un petit coin, et, les yeux fixés sur un livre, je restais là bien tranquille, craignant de faire le moindre mouvement.

Trois mois après notre arrivée à Pétersbourg, on me mit en pension. Dès l’abord il me