Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/72

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Je cessai seulement de prendre part aux gamineries de Sacha ; Pokrovsky ne se fâcha plus contre nous ; mais ce n’était pas une satisfaction suffisante pour mon amour-propre.

Je dirai à présent quelques mots de l’homme le plus étrange, le plus curieux et le plus à plaindre que j’aie jamais eu l’occasion de rencontrer. Si je parle de lui maintenant, en cet endroit de mes mémoires, c’est parce que, jusqu’à cette même époque, j’avais à peine fait attention à lui, — mais tout ce qui touchait à Pokrovsky acquit soudain le plus grand intérêt pour moi.

Dans notre maison se montrait parfois un petit vieillard à cheveux blancs, sale, mal vêtu, gauche et gêné dans ses mouvements, bref, étrange au possible. À première vue, on pouvait penser qu’il se sentait honteux, qu’il était embarrassé de sa personne, tant il semblait faire d’efforts pour se rapetisser ; ses allures et ses grimaces donnaient à croire qu’il n’avait pas toute sa raison. Arrivé chez nous, il s’arrêtait dans le vestibule, devant la porte vitrée, et n’osait pénétrer plus avant. Quelqu’un de nous venait-il à passer, — moi, Sacha, ou un domestique qu’il savait bien disposé à son égard, — aussitôt le visiteur