Aller au contenu

Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais la malicieuse petite alla trop loin. Il lui passa en tête de raconter des polissonneries qui n’étaient encore qu’à l’état de projet. C’est ainsi que l’espiègle enfant avoua d’abord qu’elle avait l’intention d’épingler sur la robe de la vieille princesse une carte de visite, puis de mettre Falstaff sous son lit, ensuite de lui casser ses lunettes, d’emporter tous ses livres et de mettre à leur place des romans français, ensuite de poser des pétards sur le parquet, etc., en un mot des polissonneries toutes pires les unes que les autres. La vieille dame était hors d’elle. Elle pâlissait, rougissait de colère ; enfin Catherine, n’y pouvant plus tenir, éclata de rire et s’enfuit de chez sa grand’tante. La vieille envoya immédiatement chercher la mère. Toute une histoire commença. Deux heures durant, la princesse supplia sa vieille parente les larmes aux yeux de pardonner à Catherine et de ne pas insister sur sa punition, prenant en considération qu’elle était encore malade. D’abord la vieille demoiselle ne voulut rien entendre. Elle déclarait que dès le lendemain elle quitterait la maison. Elle ne se radoucit que sur la promesse faite par la princesse qu’elle ne ferait qu’ajourner la punition jusqu’à la guérison de sa fille, mais qu’ensuite elle donnerait satisfaction à l’indignation légitime de la vieille princesse. Toutefois Catherine fut sévèrement réprimandée et conduite en bas, chez sa mère. Mais Catherine parvint à s’échapper après le dîner ; comme je descendais, je la rencontrai dans l’escalier. Elle entr’ouvrit la porte et appela Falstaff. Je compris aussitôt qu’elle méditait une terrible vengeance, et voici laquelle.

La vieille princesse n’avait pas d’ennemi plus intraitable que Falstaff. Falstaff n’était tendre avec personne, et n’aimait personne ; il était orgueilleux, vaniteux et ambitieux. Il n’aimait personne, mais visiblement exigeait de tous le respect qui lui était dû ; et tous, en effet, avaient pour lui un respect mélangé d’une certaine crainte. Mais soudain, avec l’arrivée de la vieille princesse, tout avait changé : Falstaff avait reçu un terrible affront ; l’accès de l’étage supérieur lui avait été interdit.

D’abord Falstaff fut hors de lui de l’offense et pendant toute une semaine il alla gratter des pattes contre la porte qui fermait l’escalier conduisant à l’étage supérieur. Mais bientôt il devina la cause de son exil ; et le dimanche suivant, au