Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/107

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— Oh ! Niétotchka ! Eh bien, à ce soir, à cette nuit ! Va en haut maintenant, attends-moi.

Elle m’embrassa pour la dernière fois, doucement, fortement, et se rendit à l’appel de Nastia. Je courus en haut comme ressuscitée. Je me jetai sur le divan et, la tête enfouie dans les coussins, je sanglotai d’enthousiasme. Mon cœur battait à me rompre la poitrine, je ne pensais pas avoir la patience d’attendre jusqu’à la nuit. Enfin, onze heures sonnèrent et je me couchai. La princesse ne monta qu’à minuit., Déjà de loin elle me sourit, mais sans mot dire. Nastia se mit à la déshabiller, et, comme par un fait exprès, allait bien lentement.

— Plus vite, plus vite, Nastia ! disait Catherine.

— Qu’avez-vous, mademoiselle que le cœur vous bat si fort ? demanda Nastia ; vous avez sans doute couru dans l’escalier ?

— Ah ! mon Dieu ! Nastia, que tu es ennuyeuse, plus vite, plus vite !

Et la petite princesse, de dépit, frappa du pied.

— Oh ! quel cœur ! dit Nastia en embrassant le petit pied de la princesse qu’elle déchaussait.

Enfin, la toilette de nuit était terminée ; la petite princesse se coucha et Nastia sortit de la chambre.

Aussitôt Catherine bondit hors de son lit et se précipita vers moi. Je poussai un cri de joie.

— Viens avec moi. Couche-toi dans mon lit, dit-elle en me faisant lever.

Un instant après, j’étais dans son lit ; nous nous tenions enlacées et serrées, l’une contre l’autre ; la petite princesse m’embrassait follement.

— Je me rappelle quand tu m’as embrassée pendant la nuit, dit-elle, rouge comme un pavot.

Je sanglotais.

— Niétotchka ! chuchota Catherine à travers des larmes. Mon ange ! C’est depuis longtemps, depuis très longtemps que je t’aime ! Sais-tu depuis quand ?

— Depuis quand ?

— Depuis que papa m’a ordonné de te demander pardon, quand tu as défendu ton père, Niétotchka… Ma petite orpheline ! dit-elle, en me couvrant de nouveau de baisers.

Elle pleurait et riait à la fois.

— Ah ! Catherine !