vous n’avez pas vu cette pudeur, virginale qui brille sur son visage, et que je vois maintenant, que j’ai vue quand elle, souffrant, ne sachant que dire, répondait par l’aveu à vos questions inhumaines ?… Oui, oui, c’est inhumain, c’est cruel, je ne vous reconnais pas… Je ne vous pardonnerai jamais cela, jamais, jamais…
— Mais ayez pitié de moi ! Ayez pitié de moi ! m’écriai-je en la serrant dans mes bras. Croyez-moi, ne me repoussez pas !…
Je tombai à genoux devant elle.
— Si enfin, continua-t-elle d’une voix entrecoupée, si enfin je n’étais pas près d’elle, et si vous l’aviez effrayée par vos paroles au point que la pauvre enfant se croie coupable ; si vous aviez troublé sa conscience, son âme et le repos de son cœur ?… Mon Dieu ! Vous avez voulu la chasser de la maison ! Mais savez-vous envers qui on agit de la sorte ? Savez-vous que si vous la chassez, vous nous chasserez toutes deux, elle et moi ? Vous m’avez entendu, monsieur…
Ses yeux brillaient, sa poitrine haletait, son excitation arrivait au paroxysme.
— Assez, madame, je vous ai entendue. Assez ! s’écria enfin Piotr Alexandrovitch. Assez ! Je sais qu’il existe des passions platoniques, je le sais pour mon malheur, madame, et si vous vous sentez coupable, si vous avez quelque faute sur la conscience, ce n’est pas à moi, madame, à vous le rappeler. Si enfin l’idée de quitter ma maison vous plaît… alors il me reste à vous dire que vous avez eu tort de ne pas mettre à exécution ce projet quand le moment était opportun de le faire, il y a de cela… Si vous l’avez oublié, je vous rappellerai combien d’années…
Je regardai Alexandra Mikhaïlovna. Elle s’appuyait sur moi, ses yeux étaient mi-clos ; encore un moment et elle allait tomber sans connaissance.
— Au nom de Dieu ! Cette fois ayez pitié d’elle ! Ne prononcez pas un mot de plus ! m’écriai-je, oubliant qu’ainsi je me trahissais.
Mais il était déjà trop tard. Un faible cri répondit à mes paroles, et la pauvre femme évanouie s’affaissa sur le sol.
— Tuée ! Vous l’avez tuée ! dis-je. Appelez les gens. Sau-