Page:Doublet - Élégies, 1559.djvu/2

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AV LECTEVR.


Ie ne fai doute, Lecteur debonnaire, que pluſieurs graues & vertueus perſonnages, & bien doctes ne trouuent mauuais en la plus part de mes rimes ce ſuget d’Amour, lequel aiant empeſché pieça toutes les preſſes de France, ſ’eſt fait appeler par quelcun aſsés ironiquemẽt Francoiſe filoſofie, & aucunemẽt ſuis-ie bien de leur auis. Mais il te plaira cõſiderer que l’aueuglée ardeur de ieuneſſe, aiant pris, malgré toutes mes raiſons, le frein aus dens, m’emporta par force en ce champ de ſon plaiſir. Dans lequel errant en depit de moy, ne ſauoi, pour vn peu me deſennuyer, autre choſe faire que rediger aucunefois par écris quelques miẽnes fantaſies, en termes & propos conuenans tant à mon age qu’a ma fortune. Ce qui m’a, peut eſtre, diuerti de plus facheus maus. Toutefois en ce faiſant ie ne crein auoir beaucoup tranſgreſsé les bornes de modeſtie : aiant touſiours euité comme vn rocher toute cete deshonneſte laſciueté, laquelle vſurpée impudemmẽt par quelques antiques Elegiaques, les a rẽdus moins recommandables aus chaſtes oreilles, & a fait grand tort au reſte, de leurs doctes & ingenieuſes inuentions : Là ou, ſ’ils euſſent mieus aimé tirer quelque peu, que du tout lacher la bride à leurs eſpris, on ne leur auroit reproché peut-eſtre les ébas de leur ieuneſſe, non plus qu’à Platon : lequel, ſelon Aule Gelle, aiant peu après a traiter tãt de diuine & humaine ſapiẽce, ſe ioua