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aussi tourna de bout, et paf, l’œil droite de la rétive vola à dix pieds en l’air. Le Grand’rouge fut mise à l’herbe. Rondeau n’y retoucha plus, ne l’attela plus, il l’échangeait dans l’automne pour une jument de quêteux. Louis Rondeau était dur pour ses chevaux, mais le remords de les avoir blessés dans sa colère… ne s’effaçait plus. On eut dit qu’il voulut oublier ses victimes et se faire oublier d’elles. Le mauvais œil étant arraché, la bête était devenue parfaite : quinze ans après ça, le quêteux repassait avec elle : mais Rondeau ne voulut plus la revoir, ni même en parler.

Les dernières années de Louis Rondeau s’écoulèrent au village, dans la maison de Joseph Stynk, chez sa fille Aurizie, berçant sur ses genoux ses petits fils, avec patience et douceur ; par bonne et grande volonté, résumant en lui-même, après la quatre-vingtième année révolue, une source de bonté qu’il n’avait pas toujours exploitée jusque