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Page:Doumic - De Scribe à Ibsen, Delaplane.djvu/334

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mêmes, rompre avec nos habitudes intellectuelles, oublier les formes d'art qui nous sont familières. Il nous faut accepter les lenteurs du drame, les'minuties de la peinture, les étrangetés d'une pensée qui volontairement s'enveloppe de voiles. Il nous faut sortir de notre milieu pour aller vers des hommes dont l'état d'esprit, comme le genre de vie, est très différent du notre. Encore devons-nous nous avouer que même à ce prix nous ne pénétrons pas entièrement le sens de l'œuvre : car nous avons beau faire, c'est avec une âme française que nous allons à la rencontre de l'âme étrangère, et on ne saurait donc parvenir à l'entente complète et à l'intime pénétration. — Pour apprécier le Canard sauvage, il faut se placer à un double point de vue. La fable a été choisie, les événements ont été combinés dans l'évidente intention de rendre sensible, d'exprimer et de prouver une vérité morale. Néanmoins les personnages ne sont nullement des abstractions et des êtres de raison. Ce sont des hommes de chair et d'os, des créatures vivantes. Le Canard sauvage est tout à la fois un drame symbolique qui enferme en son amère philosophie beaucoup de pensée, et un drame réaliste d'une surprenante intensité de vie. Au premier acte nous sommes chez le riche industriel Werlé, un soir de réception. On entend un bruit de conversations et de rires venant de la salle à manger. Des domestiques allument les lampes. Un vieux bonhomme,