Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/103

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quelque degré qu’ait voulu la nature. Et, vous voyez, ici il n’y a pas autre chose qu’un tableau. Mais voici la fin de cette pièce, et vous allez voir que le caractère s’en modifie :

Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la nature est vide et le soleil consume :
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens ! Le soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin.

Et par conséquent, vous le voyez, Leconte de Lisle n’était pas désintéressé, et quand tout à l’heure il décrivait pour nous cette nature qui souffre sous le soleil torride, c’était pour arriver à cette conclusion, à savoir, que, comme le pensait déjà Alfred de Vigny, la nature est mauvaise, la nature est notre ennemie et qu’il faut se réfugier dans une espèce de foi au néant.

Voilà ce qu’il y a au fond, dans cette œuvre désespérée de Leconte de Lisle. Mais, ici encore, ce dont Leconte de Lisle veut nous entretenir, ce n’est pas de lui et de ses souffrances personnelles, mais c’est de la condition de l’humanité.

Ses deux recueils de vers sont intitulés Poèmes antiques, Poèmes barbares. Dans les Poèmes