Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/94

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rien au hasard, avait pris toutes ses pré- cautions. Dès l’après-midi, à deux heures, trois cents jeunes gens, trois cents Spartiates, avaient occupé les positions de la Comédie-Française. Notez ! pour une représentation qui devait commencer à huit heures du soir ! Cela faisait six heures d’attente. Pendant ces six heures, on passa le temps comme on put ; on chanta, on mangea, et lorsque la rampe commença à s’allumer, le lustre à descendre, la salle à se remplir, les deux partis purent s’observer, se mesurer et se reconnaître. C’était très facile de se reconnaître, entre classiques d’un côté et romantiques de l’autre. Il y avait différence déjà dans l’attitude extérieure. Par exemple, les classiques portaient le menton rasé, parce que, à cette époque-là, ce n’était pas convenable de porter sa barbe ; les romantiques, au contraire, avaient des barbes fluviales. Les classiques étaient généralement âgés ; les romantiques étaient jeunes. Les classiques, de même qu’ils ne portaient pas leur barbe, généralement ne portaient pas non plus de cheveux — ce n’était pas mauvaise volonté, mais c’était pour une autre cause ; — les romantiques avaient des crinières mérovingiennes. Les classiques portaient des vêtements corrects, et les romantiques avaient laissé à leur fantaisie, en fait d’habillement, toute sa liberté, ou plutôt, je crois qu’ils avaient travaillé cette fantaisie.

Et notamment, on apercevait au balcon, sous des cheveux rutilants, qui sortaient d’un chapeau de feutre à larges bords plats, un jeune homme à la face pâle et dont la longue barbe descendait sur un