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les apprentis de l’armurier

Au midi, la guerre des Albigeois, qui depuis si longtemps ensanglante ce beau pays du soleil, touche à son terme, et bientôt, par le mariage de Louis IX et de ses frères avec les filles des comtes de Provence et de Toulouse, ces riches provinces pacifiées vont augmenter le domaine royal.

En Orient, le Saint-Sépulcre est toujours aux mains des Infidèles.

Les Croisés, après avoir pris Constantinople, n’ont pas franchi le Bosphore, et Baudouin, comte de Flandre, élu empereur par ses compagnons, est mort en défendant son empire contre les attaques incessantes des Turcs.

 

Près du grand lit de l’aïeule, deux enfants, de quatorze à quinze ans, se tenaient debout, contemplant avec le naïf étonnement de leur âge ce visage ridé et parcheminé sur lequel la mort posait peu à peu son masque de plomb.

L’un était délicat et frêle, avec un regard profond et des boucles noires, retombant sur son sarrau de toile.

L’autre était court, trapu, avec des yeux bleu faïence, des cheveux filasse et une bonne figure rougeaude, si bien taillée pour le rire, que les larmes, l’inondant à cette heure, semblaient égarées sur cette face joyeuse.

Le logis était pauvre, mais riche de cette méticuleuse propreté qui est le luxe des pays du nord.

— En vérité, me suis-je trompé de province, pensait le blond Phébus, et suis-je chez les laborieux Flamands quand je devrais briller sur ma paresseuse Provence ?

Dame Véronique Vigarous était plus qu’octogénaire ; pourtant, la veille encore, ses doigts agiles, bien qu’un peu tremblants, maniaient le fuseau et l’aiguille, et brodaient ces fines dentelles, aux merveilleux dessins, pour lesquels des yeux de vingt ans semblent suffisants à peine.