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les apprentis de l’armurier

Pendant ce temps, immobile à sa fenêtre, Marguerite veillait, attendant son fils, et songeant moins à lui qu’à l’enfant dont le généreux dévouement lui mettait les larmes aux yeux.

Elle était seule ; l’hôtesse, effrayée par la vue des soldats et inquiète de la disparition de son mari, s’était mise à la recherche du pauvre homme. Quant à la bohémienne, elle avait disparu derrière Gaultier, aussi l’attente semblait-elle à Madame Marguerite, longue, bien longue…

Un bruit d’avirons troubla le silence de la nuit ; une barque accosta sous la fenêtre ; des pas lourds ébranlèrent l’escalier, et la mère, qui s’était élancée vers la porte avec un cri de joie, recula, muette de terreur, en reconnaissant Harwelt.

Il était seul et tira le verrou derrière lui ; puis, marchant droit à elle :

— Noble dame, je vous salue, dit-il en s’inclinant d’un air railleur.

— Harwelt ! l’âme damnée de ma sœur, murmura-t-elle frissonnante.

— Pour vous servir, selon mes faibles moyens, dit-il en prenant un escabeau et en s’asseyant sans façon devant elle.

La fierté de sa race remonta au cœur de la pauvre femme :

— On me parle debout et la tête découverte, dit-elle d’un ton qui en imposa malgré lui au Flamand.

— Pardonnez-moi, répliqua-t-il en se levant, mais je suis très las ; et d’ailleurs, comment reconnaître sous ces pauvres vêtements et dans cette misérable auberge la fille chérie de l’empereur Baudouin, la princesse belle et triomphante entre toutes, qui trônait à côté de son père au palais de Buccoléon ; l’épouse souriante de ce Guillaume de Dampierre qui, simple cadet de famille, n’en reçut pas moins la bénédiction nuptiale sous le dôme de Sainte-Sophie…