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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/121

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les apprentis de l’armurier

— Hélas ! soupira l’infortunée dont ce souvenir réveillait toutes les douleurs.

— Que voulez-vous, madame, le bonheur n’est pas de ce monde, et, plus il est apparent, moins il est durable ! Votre époux…

— Taisez-vous ! interrompit violemment Marguerite ; comment osez-vous prononcer le nom de votre victime ?

— Oh ! madame, pouvez-vous m’imputer à crime un simple accident que je déplore, croyez-le.

— Trêve de railleries ! qu’avez-vous fait de mon fils ?

— C’est vrai, vous aviez encore un fils, une suprême espérance pour votre cœur et pour votre ambition. Oh ! vous aviez été habile, très habile, et nos recherches ont été vaines longtemps ; mais, quand le diable s’en mêle !… et, il s’en est mêlé d’une manière originale en vous plaçant sur mon chemin.

« Mon Dieu, oui, madame ! c’est grâce à vous que j’ai pu parvenir au jeune comte et capter sa confiance.

« Vous avez eu beau lutter de ruses avec moi, livrer tout à l’heure un écuyer à nos soldats au lieu de votre fils, mes dispositions étaient bien prises, mon plan bien établi, et le prétendu héritier des comtes de Flandre ne pouvait m’échapper.

— Qu’avez-vous fait de mon fils ? répéta la mère d’une voix étranglée par l’angoisse.

— Mon Dieu ! madame, il y a vraiment des fatalités héréditaires ; c’est à quoi je pensais tout à l’heure en déplorant l’imprudence du jeune comte Guy qui, en se penchant sur le bord de mon bateau, s’est noyé dans la Deûle, absolument comme jadis son père dans le Bosphore.

Un cri qui n’avait rien d’humain s’échappa des lèvres de la malheureuse femme ; elle se rua sur le misérable comme une lionne à qui l’on arrache son lionceau…