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les apprentis de l’armurier

— Quant à cela, ne vous mettez pas martel en tête, dame Véronique, dit l’armurier ; ils ne seront pas orphelins tant que je serais là. Je les ai vus si petits que je les considère déjà comme un peu les miens : ils le deviendront tout à fait. Moi, qui autrefois me désolais de n’avoir pas de garçon ! Avec mon neveu Hugonet cela m’en fera trois, de bon compte !

— Vous êtes charitable et humain, maître ; je vous suis bien reconnaissante.

— Il n’y a pas de quoi. N’est-ce pas un devoir de s’aider entre chrétiens ?… D’ailleurs, ils le méritent, les pauvres ! Gaultier, bien que perdant un peu trop son temps à rêvasser, à regarder voler les mouches, est plus habile que bien des ouvriers ayant barbe au menton, et, si Guy ne le vaut pas à l’atelier, en revanche, c’est un franc luron, empressé, serviable et que tout le monde aime.

— Oh ! oui, appuya naïvement Douce, tandis que l’objet de cet éloge lui souriait à travers ses larmes.

— Merci encore, maître Lansac ; vous êtes homme de bien et je serais tranquille de vous confier mes enfants, mais cela ne se peut pas… ils ont un oncle en France, à Paris… Quand je ne serai plus, ils iront le rejoindre.

Les deux frères se regardèrent étonnés : c’était la première fois que dame Véronique évoquait ce parent inconnu.

L’armurier partagea sans doute cette impression, car il murmura en hochant la tête :

— Hum ! la route est longue ! et si leur oncle est dans nos âges, ils pourraient bien trouver visage de bois. Croyez-vous que la parenté qu’ils iront chercher là-bas vaudra les amis qu’ils laisseront ici ?

— Non assurément, soupira la vieille, mais il le faut… Promettez-moi de ne pas les retenir…