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les apprentis de l’armurier

— À Dieu ne plaise, dame Véronique ! La volonté des parents doit être respectée, surtout lorsqu’ils ne sont plus.

— Merci.

Elle semblait fatiguée, ses yeux se fermaient ; maître Lansac recommanda aux jeunes apprentis de l’appeler à la moindre alerte, et se retira avec Douce sur la pointe du pied.

Dès que la porte se fut refermée, la malade se souleva sur le coude et écouta le bruit des pas s’éloigner, puis s’éteindre.

— Vite, Gaultier, Guy, approchez-vous…, tout près… J’ai à vous parler, dit-elle d’une voix oppressée.

Ils obéirent, inquiets.

Elle les contempla un instant avec émotion.

— Hélas ! murmura-t-elle, ce sont des oreilles bien jeunes pour entendre un tel récit, des langues bien légères pour garder un pareil secret ; mais je ne puis tarder davantage : mon temps est mesuré ; demain il serait trop tard…

« Je vous aime tous deux avec la même tendresse maternelle, mes chéris, mais l’un de vous seulement est mon petit-fils ; l’autre est de noble race et du sang d’empereur coule dans ses veines.

Ils demeurèrent étourdis, stupéfaits ; puis, se jetant spontanément dans les bras de la bonne vieille :

— Oh ! grand’mère, nous serons toujours frères et toujours vos enfants.

— Dieu vous bénisse, mes chers petits ! dit-elle, émue de ce naïf élan du cœur. Je peux vous nommer ainsi, car vos deux mères ont sucé le même lait : l’une était ma fille ; l’autre, celle de Mgr Baudouin, comte de Flandre.

— Comte de Flandre ! répéta Guy en écarquillant les yeux.

— Elle s’appelait Marguerite et avait une sœur nommée Jeanne, aussi laide et aussi méchante qu’elle-même était