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les apprentis de l’armurier

Pendant que le comte de Flandre abandonnait ses sujets, sans tambours ni trompettes, lui se morfondait dans le grand lit seigneurial, en proie aux plus sinistres appréhensions.

Le jour se leva.

Des passants remarquèrent l’échelle de corde pendue à la fenêtre… Bientôt toute la ville fut en émoi.

Le « rewart » accourut, suivi des échevins, et pénétra dans l’appartement du comte.

En apercevant le dormeur, il eut un soupir de soulagement.

— Fausse alerte, mes amis, dit-il avec dignité. Grâce au Ciel, il n’est rien arrivé de fâcheux à notre cher sire et vous aurez l’honneur de le saluer à son réveil !

Et s’inclinant très bas :

— Monseigneur, les échevins de votre bonne ville viennent s’informer de votre précieuse santé.

Rien ne répondit, si ce n’est un ronflement sonore.

Inquiet de ce sommeil si profond, si prolongé, le rewart toucha l’épaule du prince.

Celui-ci, croyant recevoir le coup mortel, poussa un cri déchirant, fit un saut de carpe et présenta aux regards stupéfaits des assistants la face blême d’Hugonet…

— Ce n’est pas lui ! s’écria maître Pierre reculant de trois pas.

Ce fut le signal d’une confusion indescriptible ; les cris de « trahison ! » s’élevèrent de toutes parts ; le malheureux armurier accablé, ne sachant lequel entendre, essaya vainement de se justifier. Honni, conspué, il fut traîné hors de l’Hôtel de Ville, roué de coups et jeté dans la Deûle par la populace exaspérée.

Comment Hugonet parvint-il à s’échapper ?