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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/17

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les apprentis de l’armurier

belle et bonne. Défiez-vous de cette cruelle princesse qui gouverne à cette heure le pays de Flandre : elle ferait périr son neveu sans pitié s’il tombait entre ses mains. Ma pauvre Marguerite le savait bien. C’est pourquoi, après la mort de son père et de son époux, messire Guillaume de Dampierre, qu’elle avait suivi à la Croisade, se sentant elle-même près de sa fin, elle me confia son petit enfant pour l’élever secrètement avec le mien, sous l’habit d’un artisan, jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge d’homme et put lui-même réclamer son héritage. Je suis forcée de devancer l’heure fixée pour cette révélation et de vous laisser sans guide, entourés de périls… Dieu vous protégera…, je l’espère… Les preuves de votre naissance… dans mon rouet…, avec une bourse d’or…, en appuyant sur la cheville…, à droite… Il y a un secret…

Une seconde fois, elle s’arrêta haletante, à bout de forces.

— Et lequel ?

— C’est Gaultier, n’est-ce pas, mère ?

— Avant de vous répondre…, jurez-moi, devant la Vierge et les saints…, que j’espère contempler bientôt…, de ne révéler à personne… qu’au roi… ce que je vous confie…

Les deux frères étendirent la main vers le grand Christ pendu à la muraille.

— Ni par prière, ni par menace, ni par ruse, on ne tirera rien de moi, déclara Guy d’un ton décidé.

— On me tuera plutôt, ajouta Gaultier dans l’œil noir duquel brilla un éclair.

— Bien…, j’emporte votre serment… Guy, ce n’est pas…

Une suffocation la rejeta en arrière. Ses lèvres remuèrent, mais sa gorge contractée ne laissa passer aucun son.

Épouvantés, les deux enfants appelèrent au secours. L’armurier accourut précipitamment avec son neveu.

— Le rouet…, murmura une dernière fois la mourante. Et,