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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/182

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les apprentis de l’armurier

Un singulier débat vient de s’élever entre elles : chacune prétend tenir l’épée de connétable devant le roi.

En vain s’efforce-t-on de leur démontrer le ridicule d’une semblable réclamation, et de les décider à laisser ce soin virile au comte de Boulogne ; ni l’une, ni l’autre ne veulent entendre raison.

— Par saint Georges ! s’écrie Mme Jeanne indignée, une épée sera mieux placée dans ma main que dans celle de bien des hommes, et je la tiendrai aussi ferme qu’aucun des pairs.

Ce cas embarrassant est soumis à la régente, qui se rend en personne à la porte du Chapitre où règne une confusion extraordinaire, malgré le respect dû au saint lieu, les uns tenant pour Mme Jeanne, les autres pour la comtesse de Champagne ; le plus grand nombre déclarent leur obstination également déraisonnable.

L’entrée de la reine rétablit un instant le calme, et les deux parties se hâtent d’exposer leurs revendications.

Mais Blanche de Castille les arrête au premier mot.

— Inutile de discuter, mesdames, dit-elle de ce ton calme et décidé qui en impose à tous ; le comte de Flandre remplira lui-même ses fonctions de pair.

— Il est libre ! s’écrie Jeanne, blême de rage en songeant à son époux.

— Oui, comtesse ; il est rendu à votre tendresse, vous le verrez tout à l’heure, de la tribune où mon sénéchal va vous conduire, et où vous serez en bonne et digne compagnie.

Dissimulant mal sa fureur, Jeanne est forcée d’abandonner les insignes de la pairie et le manteau violet doublé d’hermine qu’elle n’a plus le droit de porter, et, balbutiant un remerciement fort loin de son cœur, elle quitte la salle du Chapitre, dévorant sa fureur.