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les apprentis de l’armurier

Le bruit du fer et le cliquetis de l’acier portaient sur les nerfs de ce gros garçon, réjoui et bon enfant, qui était le premier à rire de sa couardise, sans rien faire pour s’en corriger. Ah ! ce n’était pas un « foudre de guerre ». Oh ! non ! il avait peur de son ombre, en silhouette sur la muraille ; peur du vent soufflant à la porte du logis bien clos. Jamais on ne l’eut fait sortir seul, à la nuit noire, ni passer devant un cimetière dont le moindre feu-follet l’eût fait tomber en pâmoison ; il tremblait en traversant un pont, et se trouvait mal à la vue du sang.

Ce qui ne l’avait pas empêché de se jeter à l’eau pour en tirer son frère qui se noyait, et ce qui ne l’eût pas empêché de se faire couper un bras pour lui.

C’est qu’il y avait entre eux une affection fort au-dessus de l’ordinaire. Ils s’aimaient profondément et saintement, malgré la dissemblance de leurs caractères.

Gaultier était un silencieux, un rêveur. Bien que naturellement brave, il détestait les querelles et méprisait souverainement ces luttes à main plate, si fort à la mode dans le Midi.

— Jeux de main, jeux de vilain ! disait-il dédaigneusement.

— Ah ça ! te crois-tu gentilhomme ? ripostait Guy en haussant les épaules.

Gaultier soupirait et ne répondait pas.

Il était assurément plus fier qu’il ne convenait à sa condition ; aussi, malgré ses qualités brillantes, était-il moins aimé que son frère, dont la rondeur, la bonhomie, l’humeur joviale faisaient excuser les défauts, et que l’honorable corporation des apprentis reconnaissait volontiers pour son chef.

Lorsque quelque baron venait à la boutique de maître Lansac, et, ses achats terminés, faisait largesse aux appren-