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la vierge du sabotier

Non, mais une passion, un amour, une adoration (le mot n’est pas trop fort) pour son petit Frantz.

L’enfant avait perdu sa mère dès le berceau, mais, bien sûr, l’âme de la pauvre morte était passée dans celle de son mari ; car la mère la plus tendre n’aurait pu avoir des soins plus touchants, plus délicats, plus maternels.

Frantz tout petit avait fait une chute et était resté boiteux. Cette infirmité, mal vue généralement des gens de campagne, qui apprécient mieux les qualités physiques que les qualités morales, le rendait encore plus cher à son père, qui travaillait sans relâche pour donner au pauvre déshérité toutes les joies, tous les plaisirs qui pouvaient compenser sa triste position.

Faible et chétif d’ailleurs, le petit garçon ne se mêlait pas aux jeux des camarades de son âge ; mais, assis des heures entières près de l’établi de son père, il le regardait, taillant, rognant, sabotant ; et le brave homme ne sentait ni lassitude, ni fatigue, tant que le doux regard de son fils était posé sur lui.

« Sois tranquille, petiot, disait-il souvent en passant sa main calleuse dans les boucles blondes de l’enfant, je travaillerai tant que tu n’auras pas besoin de travailler, toi ! »

Pour arriver plus vite à son but, le sabotier ajouta une seconde corde à son arc.

Comme les pâtres des Alpes, il savait faire mille jolies choses avec son couteau. Il songea à utiliser ce talent et se mit à sculpter des statuettes de saints, de saintes, etc., qu’il essaya de vendre.

Mais le sculpteur eut moins de succès que le sabotier.

« Pourquoi perdre son temps à ces babioles quand on a un bon état ? » disaient les bonnes gens incapables d’apprécier le mérite réel de Verner.

Lui, piqué, laissa dire et n’en continua pas moins à cise-