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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/215

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la vierge du sabotier

ler ses figurines, qu’il allait vendre à la ville ; et, quand on l’interrogeait railleusement sur ce qu’il gagnait, il se bornait à répondre :

« Qui vivra verra. »

Et les questionneurs s’en allaient en haussant les épaules.

Hans avait cependant un admirateur, un admirateur enthousiaste dans son fils.

« Que c’est beau ! père, que c’est beau ! » répétait le petit infirme, les mains jointes, en voyant, sous le ciseau de l’artisan, le bois grossier prendre quelque forme idéale d’ange aux ailes déployées ou de sainte madone.

Parmi toutes ces statuettes, une surtout avait captivé l’âme de l’enfant : c’était une Vierge au doux sourire, au regard lumineux…

« Il me semble que c’est maman ! disait l’orphelin.

— Eh bien, je te la donne, avait dit le père, touché de ce naïf sentiment ; conserve-la toujours, mon cher petit, ne néglige jamais de la prier matin et soir, ce sera ton plus précieux héritage. »

Le pauvre enfant n’en devait pas avoir d’autre.

Un matin, en se mettant au travail, Verner tout à coup lâcha son outil et s’affaissa sur le sol. Il était mort.

Qu’allait devenir l’orphelin ?

La question s’agitait au sein de l’assemblée.

« Écoutez, dit tout à coup maître Wonguen, un des principaux du métier, Hans était un bon compagnon, la main ouverte comme le cœur, trop peut-être. Il ne sera pas dit que le fils du meilleur sabotier du pays n’aura pas un toit où reposer sa tête. Nous ne sommes bien riches ni les uns ni les autres, et si une bouche de plus n’est pas une affaire, cela compte pourtant quand on a déjà, comme vous tous, des douzaines de marmots qui demandent la becquée. Moi,