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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/243

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en wagon

silence troublé seulement par les monosyllabes obligés du service.

Toutes les tentatives de rapprochement avaient échoué devant cette résistance obstinée. Le commandant refusait impitoyablement toutes les lettres de son fils ; un jour il en reçut une d’une écriture inconnue, au timbre illisible, ses yeux coururent à la signature : «Jeanne de Lornec. » Il referma tranquillement l’enveloppe et écrivit : « Décachetée par moi et non pour moi. » Afin d’éviter le retour de pareil incident, il chargea son vieux domestique, investi de toute sa confiance, d’ouvrir dorénavant son courrier et de jeter au feu ces lettres qu’il ne voulait plus lire.

Dès lors ce fut fini et jamais le nom du fils rebelle ne fut plus prononcé, et tout ce qui pouvait rappeler son souvenir fut éloigné de la vue du père.

De son côté, le jeune lieutenant de vaisseau, profondément blessé de l’injure faite à sa compagne bien-aimée, ne tenta plus aucune démarche, se bornant aux devoirs de stricte politesse, lettres de faire part, cartes de visites aux fêtes et anniversaires, que le pauvre Alain, le cœur bien gros, mais esclave de sa consigne, brûlait régulièrement avec un profond soupir.


✽ ✽

« Laissez donc ces enfants remuer un peu, madame, dit notre voyageur, d’un air aimable, retirant ses nombreux paquets, étalés devant lui comme des fortifications, le trajet est long et leurs petites jambes doivent s’engourdir.

— Merci, monsieur, mais je crains qu’ils ne vous dérangent.

— Bah, bah ! ils sont sages comme des images. »

Encouragés par son sourire et ses bonnes paroles, l’aînée