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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/246

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en wagon

L’enfant, étonné de l’altération de sa voix, le regarda et répondit :

« C’est un médaillon qui vient de mon père, je le porte parce que je suis l’aîné maintenant… Il ne faut pas en parler devant maman, ajouta-t-il tout bas, et mettant son petit doigt devant sa bouche, ça lui ferait de la peine. »

Un instant après, le mignon, tombant de sommeil, dormait à poings fermés.


✽ ✽

Le vieillard, le front appuyé contre la glace, sentait une rosée humide glisser le long de ses joues et couler dans sa barbe blanche…

Ainsi, c’était donc vrai, cette jeune mère était la femme qu’il avait repoussée, ces chérubins ses petits-enfants ! Il reconnaissait bien ce médaillon, cette mèche de cheveux blonds, des cheveux de sa femme…, mais son fils, son fils ?

Et une douleur poignante lui étreignait la gorge, lui torturait le cœur.

Eh bien, oui, son fils était mort ; là-bas, là-bas, loin de lui, sans sa bénédiction, sans son pardon.

Mort, était-ce possible !

Tout le lui prouvait, hélas ; les innocentes paroles de l’enfant, et celles mêmes de la mère : « Mon mari était marin », et la meilleure preuve de son malheur c’était là, dans son coin, libre, maintenant que les enfants dormaient, la pauvre femme portait sans cesse son mouchoir à ses yeux.

Pauvre Henriot ! comment était-il mort ?

Sûrement comme un Lornec, là-bas, sur son vaisseau, foudroyé au banc de quart, ou en plein combat, à la tête de ses fusiliers, dans quelque embuscade de sauvages, comme Rivière ou Balny. Et il le voyait mutilé, sanglant, au fond d’une