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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/249

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en wagon

fondre après les poignantes angoisses de la nuit, il ne sait plus que dire :

« Henri, mon cher, bien cher enfant ! »

Et il l’étreint longuement.

Les embrassements prolongés retardèrent les explications, mais tout à coup Henri s’arrêta :

« Et Guy, dit-il vivement, je ne le vois pas ? »

Appuyée sur la poitrine de son mari, la mère sanglotait :

« Notre pauvre Guy… ce n’est pas ma faute… va… Dieu nous l’a repris… mort… enlevé par le croup. »

Le père devint livide, se raidit pour ne pas tomber, essayant malgré cette cruelle douleur de trouver pour sa Jeanne un mot de consolation.

« Mon fils, dit d’une voix tremblante le vieux gentilhomme dont le visage était profondément altéré ; je suis bien puni, je souffre plus que vous et je donnerais avec joie, aujourd’hui, le peu d’existence qui me reste pour embrasser une fois l’enfant qui portait mon nom. »

 
 

Huit jours après, la vieille maison, vide et désolée depuis si longtemps, retentissait de cris joyeux et de gazouillis d’enfants.

Henri, qu’une affreuse blessure avait forcé à démissionner et qui rentrait en France à peine guéri, était venu avec sa femme s’installer auprès du vieillard qu’il ne devait plus quitter.

L’année suivante, un autre petit Guy vint ramener le sourire sur les lèvres de l’aïeul, mais l’aïeul n’oublia jamais le premier né, celui qu’il n’avait pas connu…

Chaque matin, jusqu’à sa mort, il alla au petit cimetière