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en wagon

« Il voulait interroger, il n’osait par crainte de changer en certitude l’horrible doute.

« Il faut pourtant qu’il sache… son fils mort, la pauvre femme sans fortune n’a plus personne. Elle retourne dans son pays sans doute, là-bas, bien loin, où elle va retrouver une famille qui ne la repousse pas.

« Oh, ça, par exemple, ça ne sera pas ; je saurai bien l’empêcher ; c’est à moi de remplacer le père, d’être maintenant leur soutien ; je leur ouvrirai tout grands mon cœur et ma maison, ce seront eux qui me fermeront les yeux.

« Mais le voudront-ils, le voudra-t-elle, elle, cette jeune femme, si cruellement offensée. Oh ! je m’humilierai s’il le faut, mais je ne veux pas les quitter et ils ne partiront pas. »

La nuit s’acheva bien cruelle et pour le vieillard désolé, et pour la jeune femme toute à ses souvenirs.

Brisés de fatigue et d’émotion, ils s’endormirent à leur tour, aux premières lueurs du jour.

Un choc violent les réveilla : « Marseille, tout le monde descend. »

Et vite la maman remit sur pieds et apprêta tout son petit monde pendant que le commandant, vif comme à vingt ans, aidait ses chers compagnons à descendre.

« Jeanne !…

— Henri !… »

Un homme au teint basané, à l’allure martiale, porteur d’une rosette rouge, reçut la jeune femme dans ses bras et poussa en même temps un cri de surprise :

« Mon père !

— Eh oui ! monsieur, » dit le commandant, essayant de reprendre son ton sévère.

Mais balbutiant, suffoquant de joie, sentant son cœur se