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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/25

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les apprentis de l’armurier

— Guy est un faux poltron ; toi, tu es un faux brave, lui avait-il dit nettement.

Et Hugonet ne le lui avait jamais pardonné.

Il avait encore contre lui un autre motif de haine.

Nature loyale et généreuse, Gaultier ne pouvait voir opprimer les faibles ; il avait l’âme chevaleresque de ces redresseurs de torts qui s’en allaient par le monde, à la défense de la veuve et de l’orphelin.

Certain soir, il aperçut une bohémienne, assaillie à coups de pierres par une bande de gamins à la tête desquels se trouvait Hugonet.

La malheureuse serrait éperdument dans ses bras un corbeau au plumage hérissé, au bec sanglant, à la patte brisée, et suppliait vainement ses persécuteurs d’épargner la pauvre bête.

Malgré le mépris attaché à cette race maudite, Gaultier se jeta résolument parmi les assaillants, et, sans s’occuper des autres, il saisit Hugonet par le collet et lui administra une verte correction.

Guy arrivait à la rescousse ; la bande prit la fuite et les deux frères demeurèrent maîtres du champ de bataille.

La bohémienne ne savait comment les remercier ; elle voulut absolument leur tirer leur horoscope.

Gaultier refusait, disant que c’était chose damnable et impie.

— Bah ! laisse donc ! ça lui fait plaisir et nous ne serons pas obligés de la croire, rétorqua Guy, grillant de curiosité.

Et il tendit sa large main, dans laquelle eussent tenu aisément les deux mains fines et blanches de son compagnon.

La vieille les examina l’une après l’autre.

— Singulière destinée, murmura-t-elle. Tous deux, vous