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petite ingrate !

bras débiles qui étreignaient la mignonne, et, le cœur torturé, la grand’mère céda, tout en refusant la rente viagère que la veuve voulait lui faire accepter.

— Je vous la donne, je ne vous la vends pas, dit-elle simplement ; qu’elle soit heureuse, c’est tout ce que je vous demande.


✽ ✽

Depuis lors, elle avait vécu seule, triste mais résignée, se consolant de sa solitude et de son abandon en songeant que sa Jeannine était heureuse, qu’elle était élevée comme une demoiselle !

Elle se la figurait déjà grandelette, belle et élégante jeune fille, comme celles des villes… Que n’eût-elle donné pour l’entrevoir seulement de loin !… Rien qu’un instant !

Un espoir la soutenait : il lui semblait impossible qu’on ne lui ramenât jamais sa mignonne. Cette dame ne pouvait pas être si impitoyable, bien sûr, et quand la petite serait habituée, qu’elle ne craindrait plus ses larmes, ses cris, elles viendraient toutes deux en passant… ne fût-ce qu’une heure… heure bénie celle-là !

Et elle attendait patiemment, pauvre vieille ! Chaque jour, assise sous le porche de l’antique chapelle, elle interrogeait au loin la route poudreuse, le cœur battant bien fort lorsqu’une voiture apparaissait à l’horizon.

Et le temps passait, les années coulaient, la grand’mère se voûtait et penchait vers la tombe, et la petite-fille ne revenait pas.


✽ ✽

— Comme te voilà belle et grande ! mon Dieu ! laisse donc que je te regarde, que je t’admire, ma Jeannine ! Tu n’as donc pas oublié ta pauvre grand’mère ! Comme c’est bon à ta maman