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les marrons du feu

brillantes) à Madame la Surintendante pour orner le parloir de ses modèles.


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Levers, assis devant son chevalet, donnait les derniers coups de pinceau à une petite toile représentant un frais et riant vallon au bas du coteau boisé, traversé par un ruisseau bordé de peupliers et par la ligne du chemin de fer dont les rails d’acier couraient sur le sable comme d’interminables couleuvres.

La maison du garde-barrière, avec son toit aux tuiles rouges, son mur blanc, et un vieux moulin délabré tout en ruines, aux portes défoncées et aux volets pendants, peuplaient le paysage éclairé par un de ces ciels lumineux et doux dont le peintre avait le secret.

Sur un petit pont de bois, une belle jeune fille, appuyée au bras de Levers lui-même contemplait ce site sauvage.

De temps à autre, l’artiste jetait un coup d’œil à un second tableau accroché au mur et dont l’autre semblait à première vue la reproduction.

Mais si le décor était le même, les détails étaient changés et les années avaient coulé entre l’œuvre ancienne et la nouvelle, mettant leur griffe aux êtres et aux choses, creusant davantage une lézarde, enlevant une cheminée déjà branlante, arrachant la fenêtre derrière laquelle on voyait jadis une vieille figure toute ridée et parcheminée, la grand’mère, sans doute, des deux enfants qui, au premier plan, occupaient la place de Levers et de sa compagne.

C’était un gamin d’une douzaine d’années, propre et soigné, dans sa blouse noire d’écolier, avec un visage intelligent et sérieux, et une fillette de quatre à cinq ans, adorable sous ses haillons qui s’harmonisaient parfaitement avec ses traits