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les marrons du feu

et il a su conquérir l’estime, le respect et l’affection de tous.

Son unique travers est de rêver parfois tout éveillé et de se créer, pour lui tout seul, des tableaux… en Espagne ; mais, au réveil, il en accepte si philosophiquement l’écroulement !

« Levers, c’est un jobard ! disent en leur argot d’atelier certains rapins qui ne sont pas les derniers à exploiter cette faiblesse, il tire les marrons du feu, et il les épluche pour le plaisir de vous les voir manger. »

Et c’est vrai.

Se démenant pour placer le tableau d’un ami, réclamant la croix pour celui-ci, une pension pour celui-là, soutenant l’un, relevant l’autre.

En revanche, d’une insouciance absolue pour ses intérêts ; il peint pour peindre, parce que cela lui est naturel, comme les oiseaux chantent pour chanter, et qu’il y trouve un plaisir extrême, mais il attend que les acquéreurs viennent le chercher ; incapable de discuter un prix, il vend ses œuvres la moitié de leur valeur, au grand bénéfice des marchands dont il fait la fortune, et si le ruban rouge orne sa boutonnière, c’est qu’on l’a décroché pour lui.

Il habite, depuis plus de quinze ans, le joli village d’Ecouen dont les sites pittoresques attirent chaque année une colonie de peintres.

Son chalet est caché dans le bois à quelques pas de la Légion d’honneur ; et, de son belvédère, il aperçoit parfois la silhouette des jeunes pensionnaires au milieu des arbres du parc, ce qui lui a inspiré une de ses plus gracieuses compositions : Mes voisines, laquelle, après avoir remporté une médaille au Salon, a été gracieusement offerte par l’auteur (déclinant les offres les plus