Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
les marrons du feu

— Oui, cela rime presque avec prison… »

Elle rit en montrant ses dents blanches ; lui la regardait, admirant cette belle jeunesse, qui illuminait l’atelier tout poudreux de son rayonnement.

« Comme vous travaillez, bon ami !

— Il le faut bien, mignonne, te voilà presque une femme, il te faudra bientôt une dot et un mari. Tu as beau secouer la tête, c’est la vie ; le vieux nid ne te gardera pas longtemps, et tu t’envoleras comme un petit oiseau dont les ailes sont poussées, loin, bien loin…

— Oh ! non, je ne veux pas m’éloigner de vous, de ce cher Écouen où je laisserais tant de bons et chers souvenirs…

— Cependant, petite, ton mari…

— Je ne veux pas me marier loin de vous. »

Levers resta muet un instant, semblant hésiter, puis brusquement : « Allons, va t’habiller si tu veux venir avec moi jusqu’à Chauffeur, j’ai une retouche à faire à ce tableau…

— À Chauffour, oh ! oui, dit-elle, devenue toute rose, je suis prête tout de suite ; attendez-moi… »

Et, tandis que, légère, elle montait à sa petite chambre, Levers, assis à son chevalet, retournait pour la dixième fois cette question : « Un homme de mon âge, épousant une jeune fille du sien, ne commettrait-il pas une folie et une mauvaise action ? » Il demeurait perplexe, pesant scrupuleusement le pour et le contre…

Après tout, combien de mariages plus disproportionnés ! il n’était pas vieux, c’était elle qui l’avait dit, elle ne voulait pas le quitter… : cela signifiait-il qu’elle l’aimait ? pourquoi non en somme ?… il n’était ni grognon, ni bourru, ni désagréable… ; et puis ce serait l’avenir assuré.…; et pour lui quelle douce vieillesse !