Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
dans la sierra

La détachant de son cou, elle la passa à celui du jeune homme tout joyeux.

« Je pars, dit-il résolument, ma grand’mère dort, elle ne s’apercevra de rien…

— Moi, je vais prier jusqu’à ton retour ; et si tu réussis, Pedro, je t’aimerai comme un frère, plus même que Nina et Luïs. »

Les deux enfants s’embrassèrent, et, avec la foi naïve et la piété singulière de sa nation, Mercédès invoqua pieusement la Madone pour l’entreprise assez peu chrétienne de son compagnon, qui s’enfonçait hardiment dans la nuit sombre.


✽ ✽

Quelques heures passèrent.

Mercédès, toujours agenouillée, égrenait machinalement son chapelet, mais sa pensée était ailleurs…

Elle songeait aux jours écoulés, à son enfance si heureuse quand sa mère était là ; puis la maladie, la misère, la mort étaient venues de compagnie.

Ce n’était rien encore quand elle avait son père, son père si bon, si tendre pour ses enfants et pour elle qu’il appelait la petite mère…

Hélas ! reviendrait-il jamais ?

Comme il devait souffrir, seul, désespéré au fond de sa prison ! loin de ses petits orphelins.

Non, Dieu ne les abandonnerait pas, il leur rendrait leur père.

Mais comment ?

Elle s’attachait à l’espoir insensé que Pedro réussirait…

Quelle folie ! pourtant !

Hélas ! n’avait-il pas plus de chance pour se briser contre les roches ou glisser au fond de quelque précipice !…