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dans la sierra

soif de luxe, de jouissance, c’était pour son petit-fils, pour cet enfant qu’elle rudoyait, maltraitait, lui reprochant sa faiblesse d’esprit et de corps… mais qu’elle aimait d’un amour étrange, sauvage et si jaloux qu’elle ne pouvait pardonner à Mercédès de lui avoir pris une part du cœur de Pedro.

Et c’était avec la joie féroce d’une vengeance satisfaite qu’elle pensait à Diego innocent envoyé au bagne, à ses enfants mourant de faim.

Elle arrivait…

À cet endroit, la montagne semblait osciller sur sa base et se pencher en avant, prise de vertige, au-dessus d’un gouffre béant que l’on traversait par une sorte de pont mobile pour s’enfoncer dans une caverne profonde.

La bohémienne s’y engagea sans hésiter, marcha droit à un coin de la muraille de granit éclairé par un rayon de lune, fit tourner une pierre d’apparence semblable aux autres, et démasqua une cachette renfermant la fameuse sacoche pleine d’or…

Elle la vidait avec soin dans des poches de grosse toile dont elle s’était munie, quand un léger bruit lui fit dresser l’oreille.

Elle écouta…

Rien…

C’était sans doute quelque pierre roulant au fond du précipice, quelque oiseau de nuit agitant ses grandes ailes…

Elle acheva de remplir ses sacs et regagna l’entrée.

Mais alors elle eut un rugissement de bête fauve…

Le pont avait disparu !…

D’abord elle resta écrasée, sans mouvement, sans voix, elle se sentait perdue.