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dans la sierra

Mercédès, dans son impatience, marchait en tête avec Pedro, tremblant que ce ne fût une illusion, partagée entre la hâte d’arriver et la crainte d’une déception.


✽ ✽

Cette nuit-là, pendant que Pedro était chez son amie, la Maladetta, se levant sans bruit, était sortie avec précaution et s’était dirigée vers la montagne.

Chose étrange, la paralytique n’avait ni canne, ni béquille et marchait d’un pas assuré.

Le chemin des bohémiens qu’elle suivait n’était pourtant pas facile. C’était un dédale de sentiers tortueux accrochés au flanc de la Sierra ; tantôt il fallait se cramponner aux roches croulantes, tantôt se laisser glisser dans des crevasses profondes… Mais la vieille franchissait hardiment tous les obstacles, elle allait, elle allait songeant à cette fortune qu’elle guettait depuis si longtemps et qu’elle ne croyait pas acheter si cher, même par un crime…

Elle allait heureuse du succès, sans crainte, sans remords, songeant seulement à ce qu’il lui avait fallu de ruse pour tromper le monde par son infirmité feinte, de patience pour attendre l’occasion, d’adresse pour suivre, sans donner l’éveil, le voyageur et son guide, pour se glisser derrière eux dans la caverne, pour se tapir dans l’ombre jusqu’au moment propice…

Et elle riait en regardant cette main ridée, cette main débile qui avait si bien frappé.

Maintenant elle touchait au but, elle allait saisir cette richesse tant convoitée.

Nul soupçon ne pesait sur elle, elle allait emporter son or, puis elle partirait avec son petit-fils, elle lui ferait une vie douce, heureuse, brillante comme celle d’un roi.

À elle, elle ne songeait pas. Toute son ambition, toute sa