Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
les apprentis de l’armurier

« Mon fils bien-aimé, commença le jeune garçon, une destinée cruelle me force à me séparer de vous avant de fermer les yeux pour jamais, et mon dernier regard ne reposera pas sur votre chère tête blonde. Je vous laisse seul au monde, entouré de parents avides et méchants, sans appui, ni dans la famille de votre père, ni dans la mienne, qui nous ont également reniés. Je vous confie à la tendresse dévouée de ma bonne Véronique, qui vous élèvera avec son petit Gaultier. Si vous êtes heureux dans cette humble condition, demeurez-y, mon fils : le bonheur habite plus souvent la chaumière que le palais. Si au contraire votre âme a soif de gloire, si vous rêvez la puissance et les honneurs, même au prix des plus grands dangers, alors, allez trouver le roi de France, notre suzerain, remettez-lui ces titres qui renferment la preuve de votre naissance, et réclamez votre héritage. Dieu vous protège, mon bien cher Guy, et vous accorde le bonheur qu’il a refusé à vos parents.

« Votre mère
« Marguerite de Flandre,
« Dame de Dampierre. »

En achevant cette lecture, Gaultier, profondément ému, porta involontairement la signature à ses lèvres.

— Eh bien ! Guy, quand partons-nous ? dit-il.

— Nous ne partons pas, répondit tranquillement l’héritier des comtes de Flandre.

— Comment ?…

— Ma mère me laisse le choix : il est tout fait. J’ai horreur des aventures et des horions, je vis tranquille ici, et mon comté peut fort bien se passer de moi.

— Tu es fou ?