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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/37

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les apprentis de l’armurier

— C’est pour toi, frère, dit simplement Gaultier.

— Pour moi ! c’est une erreur…

— Il n’y a pas d’erreur ; lis toi-même : c’est bien ton nom, et la lettre est signée :

« Marguerite de Flandre. »

— Impossible ! répéta le gros garçon en se frottant les yeux.

— Pourquoi impossible, frère ? Ne vaux-tu pas mieux que moi et crois-tu que je sois jaloux ? Peut-être, en t’écoutant tout à l’heure, ai-je cédé un instant à l’orgueil de me croire ton supérieur ; mais ce sera le seul mauvais sentiment qui se sera glissé dans mon âme ; mon rêve évanoui ne me laisse aucun regret, et c’est sans envie, sans amertume, que je te salue comme mon seigneur.

Et, avec la noblesse naturelle qu’il apportait dans ses moindres actions, il mit un genou en terre devant son ami :

— Veux-tu bien te relever ! s’écria celui-ci avec une indignation comique. Sainte mère de Dieu ! Est-il croyable que je sois le maître, et lui le serviteur ? C’est le monde renversé !…

— Pourquoi non ?

— Pourquoi non ?… Tiens, tu me ferais perdre la tête avec ton calme. Moi noble quand tu ne l’es pas ! Allons donc !

— C’est écrit…

— Bon ! j’ai bonne envie de jeter ce grimoire au feu…

— Je t’en empêcherai bien. Tu as des devoirs, une famille.

— Bon Dieu ! Avais-je besoin d’autres parents que ma vieille grand’mère !

— Lis ; ce sont les dernières volontés de ta mère.

— Eh ! lis toi-même, répliqua l’autre avec humeur.