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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/51

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les apprentis de l’armurier

tu ? Grand’mère te regardait en m’écoutant, pour lire dans tes yeux si je disais la vérité… et tu avais beau faire, elle ne s’y trompait pas. Pauvre chère femme ! s’est-elle donné du mal pour me guérir de ce défaut sans y réussir !

— Mais maintenant tu ne mentiras plus, mon cher sire ; c’est indigne d’un gentilhomme.

— Bah ! chez les grands, le mensonge s’appelle politique, repartit en riant le jeune philosophe.

— Oh ! Guy !

— Voyons, ne m’en demande pas trop ! je suis déjà moins poltron.

— C’est vrai. Hier, en traversant la rivière, le bac a failli chavirer et tu n’as pas bronché.

— C’est qu’un petit-fils d’empereur ne se noie pas comme un simple apprenti.

— Bravo !

— Je crois bien, par exemple, que je t’ai repassé mes terreurs. Tout à l’heure, en faisant nos dévotions à Saint-Trophime, tu m’as serré la main à la briser à la vue d’un moine barbu, d’une mine assez peu rassurante, je l’avoue, mais que je n’aurais pas supposé capable de t’effrayer.

— C’est folie probablement ; mais cet homme, malgré son costume sacré, m’a fait éprouver une inexplicable impression d’horreur et son regard sombre m’a fait trembler… oh ! pour vous, mon cher sire. Après tout, il nous prenait peut-être pour des Albigeois déguisés. On dit que les jeunes comtes de Toulouse et de Foix avaient pris le costume de colporteurs pour se rendre à Rome.

— Allons, décidément, le ballot est bien porté et l’on ne déchoit pas ! dit gaiement le futur comte de Flandre en remontant le sien d’un coup d’épaule.

Ils se dirigeaient vers Avignon, après avoir traversé Arles