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les apprentis de l’armurier

elle gracieusement, et vous ne pouvez passer devant notre porte sans vous reposer un instant.

— Merci, ma gentille enfant, mais j’ai fait vœu de ne m’arrêter sous aucun toit avant d’avoir atteint le but de mon voyage ; c’est pourquoi je me tiens à l’écart, non par mépris ou fierté, et, la preuve, c’est que j’accepte votre présent.

Il y avait tant de dignité dans cette simple action, que la fillette l’en remercia comme d’une faveur.

— Allez-vous encore loin ? interrogea-t-elle timidement, en remarquant les traits pâles et tirés de la voyageuse.

— Dieu le sait ! Tant de fois, depuis que mes pieds s’usent sur les chemins, j’ai cru toucher au terme de ma route !…

— Vous marchez péniblement, êtes-vous malade ?

L’étrangère ne répondit pas. Elle examinait avec attention le voile de la petite fille, en scrutant la finesse, le dessin, et une vive émotion se peignait sur son visage :

— Au nom du ciel ! mon enfant, de qui tenez-vous cette merveilleuse dentelle ?

— D’une vieille dame qui demeurait à Aix, dans notre maison.

— Elle y est encore ?

— Hélas ! non, madame, et ce voile m’est doublement cher, car c’est un souvenir de celle qui n’est plus.

— Morte ! s’écria la mendiante d’une voix profondément altérée ; pauvre Véronique !

— Vous la connaissiez !

— Depuis bien longtemps ! Quand ce malheur est-il arrivé ?

— Le mois dernier.

— Alors vous savez…

Elle hésitait, ses lèvres tremblèrent…

— Elle… elle avait deux fils.