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les apprentis de l’armurier

donc, je mangerais bien un morceau… et puis je voudrais m’habiller à moins que ce ne soit l’habitude d’aller tout nu dans ce damné pays.

Le muet disparut et revint bientôt, apportant une collation à laquelle l’ex-apprenti s’empressa de faire honneur.

— Allons, me voilà rassuré sur ce point : on ne me laissera pas mourir de faim, c’est déjà quelque chose, dit-il avec un soupir de satisfaction en achevant d’expédier un déjeuner des plus réconfortants.

L’esclave lui présenta à laver dans une aiguière d’argent, puis se mit à procéder à sa toilette.

Guy se laissait savonner, brosser, parfumer, avec un sérieux plein de majesté, tout en s’évertuant à deviner le mot de cette étrange énigme.

Mme Jeanne, revenue à de meilleurs sentiments, voulait-elle donc reconnaître son neveu ?

— Faut voir ! faut voir ! pensait le jeune comte, résolu à se laisser guider par la réserve prudente d’un paysan normand.

Son valet de chambre improvisé lui passa une chemise de toile fine, lui fit revêtir des chausses de drap gris-perle, un pourpoint de velours noir, et posa sur ses cheveux une toque à plumes qui complétait son costume.

Guy suivait avec complaisance les détails de l’opération, en s’avouant tout bas que, si l’habit ne fait pas le moine, du moins il le pare beaucoup.

Quand ce fut fini, le muet lui ceignit une épée, et, s’agenouillant, lui chaussa des éperons d’or.

— Allons, décidément, je ne suis pas condamné à la détention perpétuelle, pensa le prisonnier avec une satisfaction tempérée par la perspective d’une promenade à cheval, son goût pour l’équitation ne s’étant nullement développé pendant son voyage.