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jim harrison, boxeur

J’entendais très bien la détente de ses sanglots et dans l’obscurité je sentais le frisson et le tremblement qui l’agitaient. Une faible lueur filtrait à travers les lames de la jalousie et me permettait de voir qu’elle était vêtue de blanc et que sa chevelure noire était éparse sur ses épaules.

— Vous ne nous oublierez pas, Roddy ? Vous ne nous oublierez pas ?

— Pourquoi, ma mère ? Qu’y a-t-il ?

— Votre oncle, Roddy… Il va vous emmener, vous enlever à nous.

— Quand cela, ma mère ?

— Demain.

Que Dieu me pardonne, mais mon cœur bondit de joie, tandis que le sien, qui était tout contre, se brisait de douleur.

— Oh ! ma mère, m’écriai-je. À Londres ?

— À Brighton, d’abord, pour qu’il puisse vous présenter au Prince de Galles. Le lendemain, à Londres, où vous serez en présence de ces grands personnages, où vous devrez apprendre à regarder de haut ces pauvres gens, ces simples créatures aux mœurs d’autrefois, votre père et votre mère.

Je la serrai dans mes bras pour la consoler, mais elle pleurait si fort que malgré l’amour-propre et l’énergie de mes dix-sept ans, et comme nous n’avons pas le tour qu’ont les femmes pour pleurer sans bruit, je pleurais avec des sanglots si bruyants que notre chagrin finit par faire place aux rires.

— Charles serait flatté s’il voyait quel accueil gracieux nous faisons à sa bonté, dit-elle. Calmez-vous, Roddy. Sans cela, vous allez certainement le réveiller.

— Je ne partirai pas, si cela doit vous faire de la peine, dis-je.