« Dieu soit loué ! Dieu soit loué !
— Où est-il ? demandai-je, parcourant du regard toute la pièce.
Le désordre des meubles, éparpillés d’un bout à l’autre, révélait une lutte encore plus violente que celle que j’avais eue à soutenir.
Le docteur enfouit sa tête dans ses mains.
« On le tient ! pleurait-il. Après ces années d’épreuves, je le perds encore ! Ah ! du moins, combien je me félicite qu’il n’ait pas une seconde fois trempé ses mains dans le sang ! »
Tandis que le docteur parlait, j’aperçus au seuil de la porte un homme portant l’uniforme passementé d’un inspecteur de police.
« Oui, monsieur, me dit cet homme, vous l’avez échappé belle. Sans notre arrivée, vous ne seriez pas là pour fournir votre témoignage. Je ne crois pas avoir jamais vu personne plus près de la mort. »
Je me soulevai, portant les mains à mes tempes ardentes.
« Docteur Mc Carthy, dis-je, tout ceci est pour moi un mystère. Vous m’obligeriez en m’expliquant qui est cet homme et pourquoi vous l’avez si longtemps supporté dans votre maison.
— Je vous dois, en effet, une explication, Mr. Weld ; d’autant que vous avez, d’une façon si chevaleresque, donné presque votre vie pour me défendre. Il n’y a plus de raison aujourd’hui pour que je garde le secret. En un mot, Mr. Weld, ce malheureux s’appelle de son vrai nom James Mc Carthy, et il est mon fils unique.
— Votre fils ?
— Hélas, oui ! Quel péché, de ma part, méritait une expiation pareille ? Il a fait de ma vie une misère depuis les premiers jours de son enfance. Violent, obstiné, égoïste, sans principes, je l’ai toujours connu le même. À dix-huit ans, il était déjà un criminel. À vingt ans, dans un accès de rage, il tua un brave garçon et fut jugé pour meurtre. Il n’échappa que de près à la potence et fut condamné à la servitude pénale. Voici trois ans, il parvint à s’évader, et sut, malgré mille obstacles, me rejoindre à Londres. Ma femme était morte de sa condamnation ; et comme il avait réussi à se procurer des vêtements ordinaires, il n’y eut personne ici pour le
je vis les deux adversaires debout
reconnaître. Pendant des mois, il resta caché dans les combles, attendant que la police interrompît ses recherches. Puis, je lui donnai ici un emploi, comme vous l’avez vu, bien que, par ses façons grossières et autoritaires, il empoisonnât mon existence et rendît impossible celle de ses collègues. Vous avez passé quatre mois avec nous, Mr. Weld ; aucun autre maître n’a eu tant de patience. Je m’excuse de tout ce que vous avez eu à subir ; mais, je vous le demande, que pouvais-je faire ? En souvenir de sa défunte mère, je ne pouvais lui retirer ma protection. Il ne trouverait de refuge au monde que sous mon toit. Et comment le garder sans l’occuper, si je ne voulais provoquer les commentaires ? Je le chargeai du cours d’anglais ; et je l’ai protégé ainsi pendant trois ans. Vous avez dû remarquer que pendant le jour il ne franchissait jamais les dépendances du collège. Vous en savez la raison maintenant. Mais en apprenant de vous, ce soir, qu’un